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mercredi 29 août 2012

Propos sur le dopage : bouffées délirantes

Remontons un peu le cours de l'histoire.

Lance Armstrong est un ancien coureur cycliste américain, retraité maintenant du cyclisme professionnel et reconverti dans la pratique du triathlon. Son palmarès affiche sept victoires dans le Tour de France.

Or voilà des années qu'il est en butte aux ragots les plus divers et aux révélations les plus insidieuses, notamment de son ancien équipier, Floyd Landis, déchu d'une victoire dans le Tour de France pour dopage, mais aussi d'un certain nombre d'organes de presse.

Il semble que, le 23 août 2012, Armstrong ait posté sur son site Internet un message selon lequel il décidait de ne plus rien évoquer publiquement, sur ce qui lui semblait être du harcèlement.


Et voilà que "dans la foulée" (dixit l'Équipe), "l'USADA nous annonce que...".

Que quoi, au fait ?

Par parenthèse, est-on bien certain que ce soit l'USADA (agence états-unienne de la lutte antidopage) qui ait réagi publiquement - et dans la foulée - ou s'est-il agi d'une personne isolée parlant - un peu précipitamment - au nom de l'USADA ?

Pour mémoire, les Etats-Unis sont un pays du type continental, s'étendant sur plusieurs fuseaux horaires. Ce qui veut dire que quand il fait matin à New York, il fait encore nuit en Californie. Comment a-t-il été possible, dans ces conditions, que l'agence antidopage pour tout le territoire des Etats-Unis statue si vite sur le cas Armstrong, au point de le faire dans la foulée ? Est-on seulement certain que cette décision de l'USADA ait été prise dans le strict respect des statuts dudit institut ?

Pour ma part j'en doute, mais d'aucuns me diront que c'est un détail.

Un détail ?!

Finalement, dans leur précipitation à vouloir sabler le champagne, ces nigauds de l'Équipe auront rendu un grand service à Lance Armstrong, en révélant, à mots à peine couverts, qu'il faisait bien l'objet de harcèlement de la part de l'USADA.



Rappelons, pour commencer, que les Etats-Unis sont ce pays bourré de contradictions, dont les présidents fraîchement élus jurent sur la Bible, alors qu'au même moment, n'importe quel quidam peut accumuler chez lui moult armes de poing ou de guerre, au nom d'une sacro-sainte liberté de s'armer. Pays apparemment pétri de morale chrétienne, mais dont les fondations sont solidement ancrées dans la liquidation massive et totale d'un certain nombre de peuples indigènes. C'est ainsi, par exemple, que les indigènes natifs de la Côte Atlantique : Séminoles, Hurons, Mohicans, notamment, ont été rayés de la carte, de même qu'en Californie, par exemple, des battues étaient organisées pour aller traquer, jusque dans les canyons les plus escarpés, les derniers représentants de l'ethnie Yahi. Les manuels nous apprennent qu'il y avait, dans l'actuel territoire des Etats-Unis, près de cinq cents nations amérindiennes, presque toutes méthodiquement exterminées par des gens dont un bon nombre fuyaient l'Europe et ses guerres religieuses !

Pays paradoxal encore que ces Etats-Unis, avec ces candidats de droite, croyants jusqu'à la moelle des os, mais qui ne veulent surtout pas entendre parler d'une sécurité sociale censée venir au secours des plus pauvres !

Paradoxe encore, dans ce pays qui s'est libéré les armes à la main contre le joug de l'occupant anglais, et qui allait passer le clair de son temps à installer et soutenir des dictatures aux quatre coins du monde, à commencer par l'Amérique latine, combattant les militants syndicalistes ici, les partis de gauche là, le tout au nom d'un bien puéril anticommunisme. C'est ainsi que la C.I.A. s'est faite l'initiatrice et le bras armé de tant de mouvements anti-démocratiques dans le monde. Ce qui n'empêche nullement les dirigeants de ce pays de donner des leçons de démocratie à tout le monde, allant même jusqu'à déclencher des guerres sur des terres lointaines, au nom de la lutte contre l'"Axe du mal."

Encore un paradoxe ? Lors des derniers Jeux Olympiques, les Etats-Unis ont de nouveau raflé la palme de la nation la plus sportive en termes de médailles. L'ennui est que c'est aussi la nation la plus obèse du monde !

En matière de lutte anti-drogues, on ne sera pas surpris de constater que, là encore, on cultive le paradoxe. Prenons les drogues en général : à qui veut-on faire croire que les narco-trafiquants colombiens et mexicains gagneraient autant d'argent, s'il n'y avait pas aux Etats-Unis une clientèle abondante et solvable prête à acheter les substances hallucinogènes produites par leurs voisins du Sud ? Est-ce pour camoufler cette réalité-là que les Etats-Unis se lancent régulièrement dans des opérations tapageuses visant au kidnapping et à la déportation vers leurs prisons de trafiquants de drogue présumés n'ayant jamais foulé le sol américain, le tout dans la plus parfaite violation des droits humains ?

Cette même frénésie tapageuse se retrouve, tout naturellement, dans le domaine de la lutte antidopage, et me fait irrésistiblement penser à ces deux événements qui caractérisent profondément la mentalité puritaine et inquisitoriale de ce pays : la Prohibition et le Maccarthysme.

De la Prohibition, presque tous les historiens sont d'avis qu'elle est à la source même de la richesse de la mafia américaine. Encore un paradoxe, n'est-ce pas ? À moins que tout cela ne soit fort logique : dans la mesure où il y avait de l'argent à gagner, on peut comprendre que des politiciens et partis politiques véreux aient réalisé l'ampleur des profits qui seraient générés par le commerce illicite d'alcool et aient choisi, cyniquement, de "booster" la carrière de leurs partenaires mafieux (cf. la fortune du clan Kennedy !).

C'est en ces termes que l'encyclopédie Wikipedia (en anglais) présente la question de la Prohibition.
On January 17, 1920, Prohibition began in the United States with the Eighteenth Amendment making it illegal to sell, manufacture or transport alcohol. Despite alcohol production and consumption being made illegal, there was still a high demand for it from the public. The profits that could be made from selling and distributing alcohol were worth the risk of punishment from the government, which had a difficult time enforcing prohibition. There were over 900,000 cases of liquor shipped to the borders of American cities. Criminal gangs and politicians saw the opportunity to make fortunes and began shipping larger quantities of alcohol to American cities. The majority of the alcohol was imported from Canada, the Caribbean, and the American Midwest where stills manufactured illegal alcohol. 
In the early 1920s fascist Benito Mussolini took control of Italy and waves of Italian immigrants fled to the United States. The Sicilian Mafiosi also fled Sicily as Mussolini cracked down on Mafia activities in Italy. The Italian immigrants resided in tenement buildings. As a way to escape the poor life style some Italian immigrants chose to join the American Mafia.
The Mafia took advantage of prohibition and began selling illegal alcohol. The profits from bootlegging far exceeded the traditional crimes of protection, extortion, gambling and prostitution. Prohibition allowed Mafia families to make fortunes. As prohibition continued victorious factions would go on to dominate organized crime in their respective cities, setting up the family structure of each city. Since Mafia gangs hijacked each other's alcohol shipments, forcing rivals to pay them for "protection" to leave their operations alone, armed guards almost invariably accompanied the caravans that delivered the liquor. 
Le 17 Janvier 1920 marque le début de l’application de la Prohibition, avec l’application aux Etats-Unis du dix-huitième amendement (de la Constitution) rendant illégale la vente, la fabrication ou le transport d’alcool. Mais bien que la production et la consommation d'alcool fussent devenues illégales, il y avait toujours la demande du public était restée forte. Les bénéfices générés par la vente et la distribution d'alcool valaient la peine que d’aucuns courent le risque de se voir sanctionnés par le gouvernement, qui a eu beaucoup de mal à faire appliquer l’interdiction. Plus de 900.000 caisses d'alcool entrèrent dans les villes américaines. Les gangs criminels et les politiciens y virent l'occasion de faire fortune et commencèrent à importer de grandes quantités d'alcool dans les villes américaines. La majorité de l'alcool était importé du Canada, des Caraïbes et du Midwest américain où les alambics produisaient de l’alcool illégal. 
Dans les années 1920, le fasciste Benito Mussolini prit le contrôle de l'Italie et des vagues d'immigrants italiens commencèrent à fuir vers les États-Unis. Les mafiosi siciliens ont également fui la Sicile alors que Mussolini réprimait les activités de la mafia en Italie. Les immigrants italiens résidaient dans immeubles locatifs. Comme moyen d'échapper aux conditions de vie précaires, un certain nombre d’immigrants italiens choisirent de rejoindre la mafia américaine. 
Cette dernière profita de la Prohibition et commença à commercialiser de l'alcool illégal. Les profits tirés de la contrebande ont largement dépassé ceux générés par les crimes traditionnels comme la protection, l'extorsion de fonds, le jeu et la prostitution. La Prohibition a ainsi permis aux clans mafieux de faire fortune, et tandis qu’elle se poursuivait, des factions victorieuses ont réussi à s’imposer dans leurs villes respectives au sein du crime organisé, imposant également la mise en place de système claniques dans chaque ville. Par la suite, des gangs mafieux ont réussi à détourner des expéditions d'alcool effectuées par des concurrents, forçant leurs rivaux (plus faibles) à leur verser une contribution financière en échange d’une « protection » au cas où ils envisageaient d’opérer seuls, les caravanes de livraison d’alcool étant généralement accompagnées de gardes armés.
Dans l'article qui suit, il est affirmé, sans ambages, que la Prohibition est à l'origine même de la mafia. 
The Prohibition is the seed of mafia 
Fundamentalism in the United States went stronger and instilled into the people the idea that alcohol was the cause of all the evils and sins; therefore, banning alcohol consumption would end with these problems.
The prohibition of alcoholic beverages entered into force on July 1st, 1916 in 24 US states. This was the prelude of the enactment of the Prohibition at the federal level, which entered into force in 1919, following the approval of the 18th amendment to the Constitution. In this way, manufacturing, transportation and sale of alcoholic beverages was officially made illegal. The Prohibition was effective nationwide on January 16th, 1920. 
The law caused division and social upset. Law enforcement was troublesome. There were very few agents responsible for that task, their wages were poor and they got little support from the authorities. Illegal bars proliferated and smugglers brought spirits into the United States from Mexico or Canada. 
Pretty soon there was widespread corruption across the United States and gangsters ran the illegal spirits trade in many major cities. Only in Chicago, in the 1920's, there were more than 500 deaths as a result of the brawls among gangsters. In 1925, Al Capone started to control the business of illicit alcohol trade in the city. Multiple killings and huge proceeds from his mafia activities have been attributed to this man. In 1931, he was charged with tax evasion and sentenced to 11 years in a federal prison. 
In 1933, President Franklin Delano Roosevelt abrogated the Prohibition. However, each municipality or state retained the freedom to implement the measure.

Et voilà comment, de 1916, pour vingt-quatre États, 1920 pour la totalité du pays, à 1933, les Américains furent légalement privés du droit de consommer de l'alcool, le tout sur la base de bouffées délirantes ayant assailli quelques dames patronnesses et militants de ligues de vertu en mal de morale à deux balles et de démonstrations d'autoflagellation, lesdites ligues de vertu s'étant avérées n'être que de puissantes alliées de la mafia. Un comble !

S'il y en a un qui, s'il avait été plus âgé dans les années 1920, aurait probablement pris part à l'instauration de la loi sur la Prohibition, c'est Joseph McCarthy (1908-1957), dont Wikipedia nous brosse la biographie en ces termes : 
En dix ans de carrière au Sénat des États-Unis, McCarthy et son équipe sont devenus célèbres pour leurs diatribes contre le gouvernement fédéral des États-Unis, et pour leur campagne contre tous ceux qu'ils soupçonnaient d'être ou de sympathiser avec les communistes. Cette période comprise entre 1950 et 1954, connue sous le nom de « Peur rouge » (Red Scare), a aussi pris le nom de maccarthysme.
(…)
Pendant cette période, tous ceux qui étaient soupçonnés de sympathies communistes devinrent l'objet d'enquêtes, collectivement nommées la « Chasse aux Sorcières ». Des gens des médias, du cinéma, du gouvernement et de l'armée furent accusés d'être des espions à la solde des Soviétiques.
(…)
Le terme de maccarthysme est depuis devenu synonyme d'activités gouvernementales visant à réduire l'expression d'opinions politiques ou sociales gauchisantes, en limitant les droits civils au nom de la sécurité nationale. (…) McCarthy se lança aussi dans la destruction politique de ses contradicteurs, une tactique couronnée par sa campagne de 1950 contre Millard Tydings qui avait été quatre fois réélu ; cette victoire intimida les critiques. McCarthy avait fait distribuer une photographie de Tydings en compagnie d'un communiste célèbre, ce qui mit un terme à la carrière de Tydings dans ce qui allait devenir « l'élection la plus sale de l'histoire de la politique américaine ». (…)En décembre 1954, McCarthy fut censuré par le Sénat américain par 67 voix contre 22, et fut définitivement écarté de la vie politique. Sombrant dans l’alcoolisme, il mourra trois ans plus tard de problèmes hépatique 
liés à d'importants abus de boisson.
Entre nous, n'est-ce pas un comble que cet "incorruptible" auto-proclamé qu'était McCarthy soit mort, âgé d'à peine 49 ans, de... surconsommation d'alcool ?

De l'article de Wikipedia, je retiens ceci : 
Le terme de maccarthysme est depuis devenu synonyme d'activités gouvernementales visant à réduire l'expression d'opinions politiques ou sociales gauchisantes, en limitant les droits civils au nom de la sécurité nationale. 
Voilà qui traduit bien la névrose profonde dont souffre ce pays que sont les Etats-Unis : d'une part, on se targue d'être le pays le plus démocratique du monde mais, par ailleurs, on pratique la torture dans le plus grand secret, on déclenche des guerres aux quatre coins du monde, histoire de semer l'enfer et la désolation chez les autres, tout en n'hésitant pas à manipuler les lois domestiques au nom de soi-disant intérêts supérieurs, qui sont avant tout les intérêts d'une oligarchie militaro-industrielle, comme naguère, à propos du communisme, plus récemment, à propos des "armes de destruction massive de Saddam Hussein", et actuellement, à propos de la guerre contre le terrorisme.

Le fait est que cette société nord-américaine, à la fois puritaine et cynique, et qu'on dit tellement libérale et tellement prompte à dispenser des leçons de morale à tout le monde, est restée profondément maccarthyste et capable des plus grossières violations des libertés publiques, au nom de la sécurité nationale. Mais il paraît qu'il ne faut pas le répéter trop fort !

Trop tard ! Le mouvement Occupy Wall Street a décidé de l'ouvrir, et bruyamment !


Prochain épisode : Science sans conscience