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mercredi 18 août 2010

Vieux neuneus



C'était à prévoir, depuis la décision prise par la Commission de discipline de la Fédération Française de Football à l'endroit des..., des quoi déjà ?, enfin de cinq joueurs (sur vingt-deux) de football présents en Afrique du Sud, le Landerneau médiatico-sportif bruisse de mille clameurs.




Sur RTL, où je suis resté une petite trentaine de secondes, ce matin du 18 août 2010, j'ai juste eu le temps d'entendre l'autre abruti de Lizarazu déclarer qu'il avait toujours cru aux meneurs et que c'était normal..., et gna-gna-gni et gna-gna-gna ! Même son de cloche de la part de Marius Trésor, pour lequel il fallait marquer le coup.

Tout le monde sait qu'en Afrique du Sud, Trésor et Lizarazu étaient planqués sous les lits, sous les tables, dans les armoires ; ils ont forcément tout entendu ! Ils connaissent donc les coupables.

Et, bien entendu, tout le microcosme médiatico-sportif de nous expliquer que c'était la fin de la carrière internationale de Nicolas Anelka, qu'Evra et Ribéry allaient devoir se passer des Bleus durant respectivement cinq et trois matches, etc.

Question : Anelka était-il dans le bus de la grève ?

Il me semble tout de même que tout ce petit monde du Landerneau... oublie une chose : la France n'est pas la Corée du Nord (où l'on a un moment évoqué la disgrâce professionnelle, voire physique, de l'entraîneur de l'équipe nationale de football), ni la Côte d'Ivoire du dictateur Robert Gueye (qui a envoyé des joueurs en prison, à la suite d'une mauvaise prestation à la CAN), ni quelque autre république bananière, arachidière, pétrolière où les lois sont régulièrement bafouées.

La France est un État de droit, et un État de droit fonctionne sur quelques principes de base, dont j'énoncerai celui-ci : la loi est la même pour tous.

Disons-le tout net : dans cette affaire, s'il y en a un qui me paraît vraiment costaud, c'est Nicolas Anelka. Inculte, illettré, analphabète, Anelka ? En Afrique du Sud, on lui avait demandé de présenter des excuses publiques, ce à quoi il s'est refusé, à bon droit ! Dès lors que l'altercation avec Domenech n'avait pas été publique, il n'avait aucune raison de présenter des excuses publiques. Juridiquement inattaquable ! Et je défie quiconque de trouver quelque faille que ce soit dans l'attitude du joueur ! Certains juristes appellent cela "le parallélisme des formes" et tout le monde peut comprendre la logique du principe.

Par ailleurs, tout le monde, au sein de l'équipe de France, sait que Nicolas Anelka a été sanctionné par une exclusion immédiate (quelle erreur !!!), et ce, de toute évidence, uniquement sur la base de propos affichés en Une d'un journal, journal qu'il a attaqué pour diffamation. Le problème est que la sanction intervenue en Afrique du Sud l'ayant été dans la précipitation, avant même toute réflexion sérieuse, voilà la FFF embarquée dans une fuite en avant. Mais imaginons maintenant que la Justice donne raison à Anelka et comdamne le journal, ce dernier étant contraint d'afficher en Une l'annonce humiliante l'obligeant de reconnaître qu'il a commis un faux. De quoi auront l'air tous les grands et petits inquisiteurs de la FFF, de RTL, de France Inter et d'ailleurs ?

Je comprends, dans ces conditions, que Nicolas Anelka se déclare mort de rire !


Maintenant, on va parler de choses sérieuses.

Frédéric Thiriez est bien avocat de profession, et non des moindres : avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ? Et président de la Ligue de Football ?

Où j'ai été mort de rire, moi aussi, c'est en découvrant les sanctions telles qu'expliquées par le président de la commission de discipline, interrogé par des journalistes devant l'édifice de la FFF, ce 17 août 2010 : comment ne pas être estomaqué par la nunucherie des propos de ce monsieur, une nunucherie empreinte de sentimentalisme, là où, moi, j'attendais qu'on dise le droit ? Et moi de penser : "Non, mais ma parole, ils n'ont donc pas de juristes à la FFF ?"

Je ne sais pas si Monsieur Thiriez est membre de la FFF, parce que j'ai du mal à comprendre que cet aréopage ne comporte, manifestement, aucun juriste en son sein ! De toute manière, dans ce qui va suivre, j'écris sous le contrôle de M. Thiriez, ce grand avocat, président de la Ligue, que je mets, au passage, au défi de trouver la moindre faille dans mon raisonnement. Mais ce défi s'adresse à d'autres, qui se reconnaîtront.

1. La France n'est pas une république bananière, arachidière, pétrolière..., déclarai-je plus haut. Ce qui veut dire, entre autres, qu'une juridiction (en l'occurrence, ici, une commission disciplinaire agissant en qualité d'organe juridictionnel [administratif] de première instance), ne saurait arrêter de décision non susceptible de recours.

2. Les journalistes et autres commentateurs commettent, donc, une colossale erreur en déclarant comme acquises les suspensions prononcées à l'encontre d'Anelka, Evra, Ribéry et Toulalan. Ces suspensions ne seront effectives que lorsque tous les recours auront été épuisés par les intéressés. Ça fait partie des choses que l'on apprend en première année de Fac de Droit.

3. Et comme on est dans la confusion mentale, comme d'habitude, tout le monde mélange tout. Je rappelle, en passant, que Nicolas Anelka n'était pas dans le bus des grévistes ayant refusé de s'entraîner, puisqu'il était déjà parti pour Londres.

4. Dans cette affaire, nous avons donc deux dossiers : le dossier Anelka, et le dossier grève de l'entraînement.

4A. Prenons le cas des grévistes enfermés dans le bus : tout le monde s'est déclaré solidaire. Nous savons que c'est Toulalan (et d'autres) qui, avec son conseiller juridique, a contribué à la rédaction de la fameuse lettre lue par Raymond Domenech.

Question : comment passe-t-on de 21 à 4 joueurs ? Donc, de quels éléments la FFF disposait-elle pour s'asseoir ainsi sur les déclarations des joueurs eux-mêmes, en s'inventant - peut-être a-t-elle tiré au sort - quatre "meneurs", pour reprendre la loggorhée de l'autre abruti de Lizarazu ?

Parce que, s'il y a eu tirage au sort, juste pour jeter quelques joueurs en pâture à la vindicte populaire, alors nous serions là devant un cas grave de rupture du principe d'égalité, celui-là même qui est garanti par la constitution et, par voie de conséquence, par toutes les lois et tous les réglements en vigueur.

Ce qui veut dire, en bon français, que la FFF ne saurait inventer une réglementation violant ce principe sacro-saint de l'égalité de tous devant la loi.

En clair, les 22 joueurs s'étant déclarés solidaires, le fait d'en extraire quatre, pour des raisons inavouées, entache la séance devant la commission de discipline du 17 août 2010 d'irrégularité.

Personnellement, si j'avais un quelconque conseil à fournir à Ribéry ou Evra, ce ne serait pas d'interjeter appel contre la lourdeur de la suspension - ce qui constituerait une grave erreur - mais de former, au contraire, un recours en annulation.

Car j'estime qu'en passant de 21 joueurs, tous solidaires, à quatre, tirés au sort ou sélectionnés on ne sait trop comment, la FFF a entendu violer le principe d'égalité, et le juge administratif ne pourra que constater la nullité pure et simple de la séance du 17 août 2010.

J'observe qu'il suffirait qu'un seul joueur obtienne l'annulation de ladite séance de la commission de discipline pour que la nullité entache les sanctions frappant les autres joueurs.



4B. Prenons le cas de Nicolas Anelka.

a) Ce dernier est contraint de quitter ses coéquipiers comme ayant été à l'origine d'un scandale consécutif à des insultes proférées, dans le secret d'un vestiaire, à l'encontre du sélectionneur. Or il semble manifeste que cette exclusion ait été instrumentalisée par la Une d'un quotidien, dont on sait, aux dires des joueurs eux-mêmes, qu'elle était fausse.

Dans ces conditions, sur quelle base légale repose (= qu'est-ce qui a réellement motivé) la sanction d'exclusion frappant Nicolas Anelka ?

Anelka ayant porté plainte contre le journal, imaginons que les tribunaux lui donnent raison. Je repose donc, la question : sur quelle base légale - caractérisation de la faute commise - repose la sanction appliquée par la FFF d'exclure le joueur de l'équipe de France ?

b) Le 17 août 2010, Nicolas Anelka est cité à comparaître devant la Commission de discipline, ce qu'il s'est bien gardé de faire, tout comme il semble qu'il n'ait pas jugé utile de mandater un représentant. Cette attitude du joueur est parfaitement en adéquation avec toute son attitude depuis le départ et l'on aura beaucoup de mal à y déceler une quelconque incohérence.

Anelka ne reconnaît donc pas la légalité de ladite commission, laquelle semble avoir commis l'erreur (!) de l'associer à la grève des joueurs en tant qu'instigateur de fait, alors même qu'il peut être prouvé qu'il n'était plus sur les lieux au moment où se déclenche ce mouvement. En incluant Anelka (absent) dans la problématique découlant de la fronde dans le bus, alors même que dix-sept joueurs (présents) se voyaient exemptés de toute convocation devant la commission de discipline, la FFF tenait manifestement à sa théorie du tri sélectif parmi les joueurs à sanctionner, renforçant par là-même le caractère discriminatoire de ses choix.

En violant ainsi le principe d'égalité, la Commission s'est mise d'emblée hors-la-loi, et c'est à bon droit que Nicolas Anelka a choisi de ne pas s'y présenter.

Mais, par ailleurs, s'agissant de la violation présumée par Nicolas Anelka de l'éthique sportive, il s'agit de rappeler qu'éthique et droit ne sont pas forcément synonymes, donc, que la condamnation d'un comportement doit reposer sur des critères juridiques et non sentimentaux ou moraux ! Condamner le comportement des joueurs de l'équipe de France sur un plan éthique ou moral, ça, tout le monde peut le faire, moi le premier, sur la base de bons sentiments plus ou moins identifiés. Devant une commission administrative, on n'est pas dans les bons sentiments de monsieur/madame tout le monde ; on est dans l'application d'une réglementation existante, pas virtuelle, et une réglementation, ce sont des articles 1, 2, 3, alinéa tant...

Question : quelle loi/règle (= quel article de loi ou de réglement) Nicolas Anelka a-t-il violé(e) en l'occurrence ? Parce nous avons un précédent : le coup de tête de Zinedine Zidane lors de la finale de Coupe du monde de 2006.

En d'autres termes : quel est donc l'article du réglement de la FFF qui l'autorisait à sanctionner Nicolas Anelka (2010) tout en lui interdisant de sanctionner Zinedine Zidane (2006) ?

- ou cet article n'existe pas, et nous serions devant un vide juridique, qui a bénéficié à Zidane en 2006 et aurait dû aussi - principe d'égalité oblige - profiter à Anelka ;

- ou cet article existe et l'on ne comprend pas très bien pourquoi il s'appliquerait à Anelka et pas à Zidane (hormis l'hypothèse d'une refonte du réglement de la FFF, postérieurement à 2006) ;

Dans un cas comme dans l'autre, nous serions bien en présence d'une violation par la FFF du principe d'égalité. La session de la Commission de discipline du 17 août 2010 est donc entachée d'irrégularité, ce qui devrait fonder les joueurs sanctionnés à former contre ladite commission un recours en annulation.

Voilà ce que je conseillerais à Nicolas Anelka, Patrice Evra et Franck Ribéry, si j'étais leur conseil juridique : surtout éviter de se contenter simplement de faire appel contre l'ampleur de la sanction ; il y a bien mieux à faire !

En ce qui concerne tout particulièrement Nicolas Anelka, j'observe, comme d'autres, qu'il était visiblement le plus "costaud" dans cette affaire, ce qui doit désespérer ses détracteurs, qui pensaient peut-être qu'il allait se liquéfier lamentablement, à l'instar du pauvre Abidal. Nicolas a beau être absolument zen dans cette affaire, il devrait surtout penser à rendre service au football français, en l'aidant à sortir de cette "mascarade", comme il le dit lui-même.

Imaginons qu'un recours en annulation conduise à l'invalidation par le juge administratif de la session de la commission de discipline du 17 août 2010. Il va sans dire que cela aura l'effet d'un tsunami sur le landerneau sportif français, dont on voit bien qu'il agit sans règles ni lois, que, quand elles existent les règles sont appliquées à la tête du client, selon que l'on s'appelle Zidane, Ribéry ou Anelka...

Et un tel tsunami aura l'effet d'un grand nettoyage de printemps, dans la mesure où tout le monde devra alors assumer ses responsabilités, au lieu de tenter, misérablement et lamentablement, de se rabibocher sur le dos de quelques joueurs livrés à la vindicte populaire à la manière d'os à ronger que l'on jette aux chiens...

Il y en a quand même un qui commence à me décevoir sérieusement dans cette affaire, c'est Raymond Domenech. Me serais-je trompé sur son compte ?




P.S.

Lu sur liberation.fr Grégory Schneider répondant à des internautes.


Eric

Zidane n'avait-il pas porté atteinte à l'honneur, à l'image, à la réputation ou à la considération du football ou de la fédération avec son geste en 2002 ?

Vous imaginez bien que si. On est, depuis le départ, en pleine hypocrisie. Ce règlement, la FFF peut l'activer ou pas, de façon complètement discrétionnaire. Elle a décidé de la faire après le Mondial sud-africain, parce que le grand public a été dégoûté et parce que le monde amateur, qui pèse plus de 70% des voix lors des élection à la Fédération, veut des têtes.

Il y a plusieurs faits profondément choquants. D'emblée, la Mission d'information, chargée de faire la lumière sur les événements en Afrique du Sud, a été priée de cantonner ses investigations aux seuls joueurs: je vous garantis que leur part dans ce bordel est relativement réduite au regard de tout ce que l'on a vu là-bas, du comportement de Domenech, à celui des membres du Club France chargés de chapeauter le sélectionneur.

Il fallait se limiter aux seuls joueurs pour ne pas fragiliser une institution. La FFF est au bord du gouffre depuis deux bonnes années. Il faut par exemple savoir qu'entre 2007 et 2009, la FFF a perdu près d'1 licencié sur 5, avec les pertes de recettes pour les Ligues et Districts que je vous laisse imaginer. Il était urgent de trouver des bouc-émissaires. Les joueurs ont servi à ça, et c'est tombé sur Nicolas Anelka, qui a cristallisé énormément de critiques depuis dix ans. Il faut aussi noter que, la plupart du temps, les critiques qui lui sont tombées dessus (prétendu manque de respect, froideur envers les médias, soi-disant arrogance) étaient plutôt faites à l'endroit des joueurs professionnels dans leur ensemble. Ce gars-là a toujours dérouillé pour les autres. Ça continue aujourd'hui.

(...)

Pab

Finalement, on a ménagé la chèvre, le chou, ou les deux? Les sanctions sont bien gentilles finalement, non?

Il faut qu'on m'explique pourquoi Patrice Evra et Franck Ribéry sont sanctionnés. On ne leur reproche pas des faits, mais une «fonction»: la fonction de capitaine pour Evra, et celle de vice-capitaine pour Ribéry. Il n'y a aucun règlement pour stipuler quelles sont les charges précises qui vont avec ces deux fonctions. Ce sont des rôles totalement informels, qui, dans les faits, dépendent de ce que le joueur veut bien en faire. En clair: capitaine, dans le foot, ce n'est rien du tout. Et vice-capitaine c'est encore rien du tout. La FFF a décidé de frapper des symboles. C'est quand même une étrange idée de la justice. Quant à la dureté du verdict, 5 et 3 matchs c'est effectivement beaucoup. Ils n'ont rien fait de plus que Hugo Lloris ou Stephane Ruffier, ils n'ont rien fait de moins. Ruffier et Lloris ont été épargnés: je n'y comprends rien.